Disneyland



“Car s’il nous faut choisir
mieux vaut que tombe l’un de nos frères
plutôt que deux étrangers, nos prochains”
Attila Józef (1905-1937)

Trop vaste!
De quoi tu parles?
De la merde.
Maintenant elle est couchée à la belle étoile, crevée.

Dans les montagnes des Alpes
pour l’une de ses vaches
un homme seul souffre.

Il n’y a plus rien à faire, cette fois-ci il a fallu abandonner.
Depuis quand savait-on ? Le jour où on a tiré comme des malades pour faire passer ce corps
de bête du dedans au dehors, on n’aurait pas dit que ça finirait comme ça. Remarque, tout
bleu et la langue qui pend au dehors de la gueule, l’arrivée et le départ se ressemblent.
Les ruines sont sacrées.

Nul ne doit plus duper les morts.
Car jamais tu n’es neutre
dans ce monde unipolaire.

Du plus loin possible
commence ton identité
et mon poème
vers le front commun.

Douze milliards de poumons attendent
douze milliards d’autres demains.

Et toi
tu es la forme naissante
entre tes proches.

Et moi
mon territoire n’est pas bien grand.

Mêmes étoiles
Mêmes nuits.

Avant de savoir comment tout ça allait se terminer, la question ne se posait pas (elle
nous effleurait seulement), t’avais qu’à te démerder avec rien, pour remédier à
l’impossible.

Si seulement le monde
si seulement le monde
c’est une vieille chanson.

L’eau coule sous la glace sale et bleue. Elle apparaît dans ses transparences, aux
endroits les moins épais. De l’air est emprisonné avec, en bulles charriées. Ces bulles
fragiles semble t’il, se glissent entre les accidents innombrables. Parfois elles semblent
s’arrêter, hésiter entre deux chemins, puis elles reprennent leur course, qu’elles
semblent ne jamais abandonner.

Chacun portera deux fois sa peine
une fois pour l’assemblée
une fois pour lui-même
chacun portera deux fois sa peine.

Si tu existais vraiment
où s’écrierait l’horreur
je ne te louerais pas plus.

Funeste bêtise tu vocifères au travers des corps
suspendus à ton globe.

Demain c’est dimanche
le nouveau pape n’y changera rien.

La beauté c’est de pleurer.

Sais-tu ce que dit le verdict
depuis ta maison isolée
les jours succèdent aux nuits
les nuits aux jours
depuis ta maison isolée
sais-tu ce que dit le verdict ?

La beauté c’est de pleurer.

La glace par endroit est fragile. Mars promet la fin de l’hiver. L’eau laisse entendre
qu’elle ruisselle. Les bulles avancent toujours, prisonnières qu’elles sont. Tout semble
trouver sa place en chemin. Un pied se pose sur la glace qui cède. Nouvel accident, l’air
enfin libre s’échappe. Alors que la bulle meurt, l’eau se décide à contourner le pied.

À la belle étoile, crevée.

Nº 1784. Pâquerette. N’est plus d’aucune utilité. Usure prématurée, mauvaise souche
génétique. Et si anomalie il y a, en quoi consiste sa différence ?

Celui-là ne devrait pas exister
simplement parce que c’est prévu.

Oui la sale peau des métèques
c’est le négatif de nos sacs plastiques.

Envie de pleurer aujourd’hui. Sur son ventre. Sur l’impossible et ce qui arrive aussi.
Toutes les histoires si finement tissées avec quelques fils amenés à se déchirer.
Jour à ne pas crier «Vive la liberté».

Qui regrette le mur passé
lui au moins palpable
et froid ?

On nous prépare une grande fête
mes amis j’ai honte de le dire
on nous prépare une grande fête.

Forum de peep-shows
en veux-tu en voilà
dans ta tronche de camarade.

L’union soviétique
l’union soviétique
Qu’est-ce que c’était ?

Minable époque de stratégies géniales
Laisse-nous rire à l’échelle géologique
de ta longue et fracassante durée. Celui qui ne veut plus continuer avec les autres, qui veut rester couché parce que ses
jambes sont paralysées, celui-là on le saisit aux hanches, et à l’aide de nos mécaniques
simples on le hisse au même niveau qu’autrefois, au même niveau que les autres.

L’hiver ne sera bientôt qu’un souvenir. La pluie tombe déjà. Les ruisseaux débordent, une
oreille écoute. Le bruit d’un avion, haut dans le ciel, arrive et s’en va. Les morceaux de
glace brisée, comme le reste, finiront par disparaître. Le soleil aidant, l’air deviendra
plus chaud. Mars sera enterré. Jusqu’à la prochaine fois, l’air ne sera plus prisonnier.

C’est parce qu’il est injuste
que je ne peux pas croire
qu’il n’est que cela.

Barbares
Barbares
Unissez-vous !

Grand bal de la tristesse
dans un autre temps
on rira de vos déguisements.

Laissez-nous dormir
il est temps que cesse
l’autre cauchemar.

Bien sûr il y a les inconvénients, les escarres. Mais ça n’est rien comparé à de ce que tu
dois subir pour te lever. Tu veux savoir ? Alors d’abord au moment où on te soulagera, une
autre douleur te saisira ailleurs. Ensuite, malgré ça, on te demandera de donner le
maximum de toi-même. Et ça veut dire quoi : un coup de bâton. Tu commenceras à te
rétracter. L’espace que tu habites, en ton corps, s’amputera avec le temps. Oh mais cela
ne veut pas dire que tu n’auras pas à boire et à manger, tu pourras en profiter et même en
priorité. L’habitude aussi, nul n’y échappe, sera terrible. Dernière affirmation de ton
injustice, elle te fera passer pour normal le véritable fait que tu sois infectée.
Tu constateras qu’à l’endroit où les muscles deviennent durs, souvent autour des
articulations, que si tu appuies dessus, du pu en sortira. Tu sauras que ces gouttes
blanches sont pures au vu de ce sur quoi elles vont tomber.

Brille
la pupille de la misère
de sa beauté
de son horreur
brille
son espoir contre son destin.

Vaste vaste camp de la liberté
que fais-tu de ceux qui chantent cinq fois par jour ?

Ô miracle chinois
tes petits paysans jaunes
prennent l’avion pour les tours jumelles.

Et les journalistes enculent les mouches
par professionnalisme
uniquement
ils jouissent.

Qu’importe les détails
et les résultats aux chiottes:
en te levant tu penses à quoi?

Ô morts du passé
où est votre leçon vos actes désespérés

J’ai perdu jusqu’à mon nom
Accordez-moi une procuration
ou la sérénité.

Demain je voudrai des miracles

À certains moments on se mettait à croire qu’un jour elle pourrait marcher à nouveau.
Braves fous qu’on est! C’est trop demander de prendre en compte nos efforts et nos impuissances dans le calcul de
notre dignité. Alors ne nous demandez pas d’être autre chose que des ratés.

Le temps est écoulé
Mesdames et Messieurs
faites vos jeux
la roue est truquée.

Le paysan connaît la chanson. Elle lui est attachée.

Tire sur la chaine
De tes deux bras
En haut en bas
Tes mains sont pleines
Tu sèmes des brindilles
délaissées par les filles.

Il dit : La roue tourne.
Elle dit : Pas au centre.
Il dit : Réjouis-toi.
Elle dit : Trop tard.
Il dit : Pourquoi ?
Elle dit : Tais-toi !

Y’avait plus que ça à faire, la détacher, lui tenir pour la dernière fois le cou, et puis
injecter le dehors à l’intérieur de son corps, bientôt à la même température.

Comment dire chacun
de tous ses cheveux?

Combien de temps est-ce-que ça a duré ?
Quand se poseront-ils cette question ?
Tu me diras: chacun ses rêves!
Et je dormirai.
Vois les nuques dans la file
elles décideront pour toi.

Je fixe le même horizon
dans ton dos
je fixe le même horizon.

Depuis quand dans mon ventre
tourne le monde
sous vos pas de conquêtes?

Moi je me couche une dernière fois
la première était contre toi
maintenant c’est à tes cotés.

À la belle étoile, sous une couverture, la langue à terre.


2004